Fil rouge

Butterfly effect [IW]

J’ai ralenti le pas, l’appréhension au creux de mon ventre. La lutte entre mon déni et ma raison commençait. J’ai serré les poings et j’ai avancé lentement. Un Sdf qui est un de mes visages familiers m’a interpellé, rompant ma concentration, il ne demandait pas d’argent mais pensait qu’un gars m’appelait sauf que "Mais je le connais pas moi...o_o" et pour cause il ne m’interpellait pas moi.

Quand j’ai repris "conscience" j’étais à l’orée de la place. Ma concentration et mon déni ont lutté un court instant pendant lequel je me rapprochais des premiers arrêts, réparés… La concentration a repris son dessus avant que les larmes ne perlent. Pourquoi et comment elles ont failli couler je n’en sais fichtre rien.

J’ai approché mes arrêts en me répétant de pas de me forcer et en me répétant que je ne fuirais pas la réalité et ne laisserais pas le déni prendre place. J’ai encore "fui" les arrêts en me tenant à l’écart avec l’envie de céder au déni. Je me le suis interdit. Il résiste à son indifférence, je résisterais à mon déni. Ce ne sont que des protections illusoires, j’étais gosse quand j’ai établis le déni, je suis adulte, je suis fort je peux enlever ce voile devant mes yeux.

J’observais les arrêts et comme mon cerveau le fait parfois si bien je voyais les arrêts pétés avec les bandeaux de travaux, superposés à la réalité. Le déni l’avait dans ses dents et moi je restais interdit, ignorant un gars que j’intriguais qui était de l’autre côté. Puis je me suis moqué de moi même - bon moyen de se donner une claque - et j’ai tenté une approche...pitoyable.

Évidemment j’imaginais encore les arrêts exploser. Je me suis tenu sur le côté "palais" des marches, perpendiculairement à l’arrêt derrière lequel je suis habituellement. Pile là où j’avais déposé les roses. J’avais envie de fuir. Je n’ai pas fui. Dix minutes plus tard un bus est arrivé de l’autre côté j’ai vu que le chauffeur captait a priori mon manège mais ça va quand j’ai détourné le regard du "je sais c’est con que ce soit si dur mais j’y arrive pas" il a plus regardé vers moi. Ça m’a un peu boosté et j’ai tenté de m’approcher encore, fixant un pavé qui est plus ou moins l’endroit où je me tiens habituellement. Un petit mètre derrière mais sur la bonne perpendiculaire j’ai légèrement détourné la tête sous le souffle fictif de l’explosion, recevant des éclats fictif et n’en ressentant qu’une faible et fictive douleur car je n’ai jamais réellement vécu quelque chose de similaire, le sang coulant le long de ma tête semblait plus réel et j’avais beau déposer ma main sur celle-ci pour me prouver qu’il n’y avait rien, mon subconscient s’en contrefichait.

J’ai détourné le regard, espérant rompre l’illusion et je l’ai vu. Je l’avais déjà vu mais pas réalisé son emplacement. Cet impact. Interdit je fixais cela, une boule au ventre.

"C’est que c’était pas ton heure"
*Ils avaient pas plus de raison de mourir que moi.*

Cette balle m’aurait transpercé la tête vu l’inclinaison…

"Au moins tu serais mort sur le coup"
"Oui..."

L’effet papillon. Cela m’a frappé. Mais c’est vrai. La vie au final ce n’est que ça.

On s’était pris la tête la veille, ce mail aurait put être le dernier.

Irréel, tout cela est si irréel.

Et pourtant c’est la réalité.

Réel, tout cela semble réel.

Et pourtant ce n’est que mon subconscient.

C’est juste mon cœur qui saigne.